L’hiver fait résonner ses derniers glas-sons et pourtant les thermomètres de la ville lumière et de sa banlieue voient rouge. Cette soudaine canicule nocturne n’est, cette fois, pas dû au grand brasier planétaire due au réchauffement climatique, mais à la sortie du premier opus d’une clique de justiciers du son : Les Zarhza.
Un quinte de trouble-fête complètement cuivré, composé de Tonio (guitare, chant), Timo (saxophone, accordéon, chant), Chipou (saxo, clarinette, clavier), Tinmar (trombone), Dam (contrebasse, basse) et Tom (batterie) qui a fait paraître le 7 février, un pamphlet dansant et contestataire de 13 plages : « Minuit Moins Le Quart ».
Ayant pour résidence principale Argenteuil, ces nomades de la 26ème lettre, férus de scènes et de fêtes, tirent leurs influences de musique en provenance des quatre coins du monde tout en s’inscrivant dans une tradition typiquement française de groupes Punk-Brass issus de la sphère alternative (Mano Negra, Zoufris Maracas, Balkan Beat Box). Cette hybridation des genres, sobrement nommée Pskrataouille Sonor , se définit comme un mélange de ska, de sonorités latines, balkanes et klezmer.
Après la parution d’un premier maxi « 95.1 » composé de ballades solaires et de pensées alternant poésie comique et textes saugrenues couchées à l’état brut sur compact disc, le groupe sort de son jardin Argenteuillois pour entamer, en 2021, un voyage « Saoul’orage ». Un EP cinq titres ou la recette de cette fameuse Pskrataouille Sonor commence à s’affiner et à s’affirmer en arborant par moment une texture plus Hip-Hop sur certaines compositions.
Ce premier long format, enregistré au Studio La Kapsule à Montreuil, entonne des airs de continuité pour la formation aux couleurs zébrée. Si les mélodies solaires, transculturelles et métissées restent toujours d’actualité, les Zarhza ont choisi pour cette nouvelle production la nuit et le temps comme source de création. La cover, patchwork de formes mi-figurative mi-abstraite, d’un orange clair et d’un bleu de lune, annonce la couleur.
Dès les premières notes d’Apuesta, on retrouve tout l’univers festif et militant du groupe imprégné par le Radio Bemba Soundsystem. Les salves de trompettes mexicaines et de guitares latines de l’introduction se prolongent tout au long de l’album dans des productions sonores tour à tour énergique (Muzika, Les Oiseaux de Tapages, Vida Loka) et mélancolique (C’est L’Eté ) ou s’enchevêtrent riffs de guitare Afrobeat et symphonies de clarinette klezmer. Fidèle à ses prédécesseurs, Minuit Moins Le Quart se développe sur de riches et vastes territoires musicaux. Le Ska de Carnaval toute l’année, enregistrée in vivo, rappelant les premiers émois sonores de la Caravane Passe, entraîne son public dans un safari urbain endiablé. A contretemps de ce dernier, mais dans un registre similaire, le reggae-dub mélancolique de Comment c’est la nuit ? enveloppe son auditeur dans une bulle intimiste et Out Of Time.
Plus que jamais la clarinette klezmer incorpore dans l’ensemble de l’opus une ambiance hypnotique et lunaire (Comment C’est La Nuit ?, 03h27) qui immerge l’auditeur dans ce mi-nuit express de 45 minutes. La power-folk de Papa Tonio / Maman Chéper et la pop nostalgique plus lissée d’ Electriciudad montre l’ambition des Zarhza de s’ouvrir vers de nouveaux panoramas en ajoutant de nouvelles gammes à leur palette sonore et chromatique. Comme une auto-réponse à ces titres plus consensuels, le titre La Scène Est Partout, vient rappeler à sa Zarhzäille ce qui fait l’essence de son Identité : Les Concerts. Dans une lente valse intemporelle, Minuit Moins Le Quart se conclut, comme Saoul’Orage, par une ballade acoustique sur les rives de la mer Adriatique par un très Kusturicien A Demain.
Il est maintenant minuit à Paris et dans le siècle. Dans ce vaste jardin du bien et du mal qu’on appelle notre planète. La vingt cinquième heure de la journée commence doucement à se décanter et le crépitement des microsillons de la platine indique le « chemin à suivre » pour le reste de la soirée. Au loin, dans la nuit, les six vengeurs masqués de Zarhza continuent leur expédition nocturne intangible et effrénée en signant un nouveau disque empreint d’universalisme, qu’ils signent, avec brio, de la pointe de leurs bérets.