Parfois, au détour d’une petite phrase lancée par un chauffeur de taxi napolitain, la vie du «plus grand footballeur de tous les temps» – aux yeux de ses fans – peut être merveilleusement résumée : « Diego, Monsieur… ? Mais c’est le diable en semaine, et Dieu le dimanche, San Paolo…»
Tout est dit, ou presque, tant il est vrai que durant six ans, de 1984 à 1990, Maradona, à lui tout seul, aura été capable de redonner fierté et courage à l’Italie du Sud. Rarement sans doute, tout au long de ses dix-huit années de professionnalisme, un joueur aura incarné avec autant de génie le «rêve argentin», c’est-à-dire la passion de tout un peuple pour le football et le désir de ses enfants les plus pauvres d’accéder la gloire, comme Evita Perôn le fit en son temps. Avec Diego Armando Maradona, l’image d’Épinal est parfaite : Maradona grandit en effet entre les murs insalubres de Villa Fiorito, quartier pauvre des faubourgs de Buenos Aires.
Sommaire
Biographie Maradona
Diego Maradona n’a pas 16 ans lorsqu’il fait ses débuts en première division, avec Argentinos Juniors. Au terme de quatre saisons passées à braver la relégation, celui dont plusieurs centaines de supporters viennent admirer les pitreries, balle au pied, rejoint, dès 1981, Boca Juniors. Une saison suffit au « Pibe de oro» (gamin en or) pour offrir à Boca le titre de champion d’Argentine. « Pour moi, dit Miguel Angel Sola, un acteur très populaire de Buenos Aires, il n’est pas possible d’appréhender le phénomène Maradona sous un autre angle que celui de la poésie.» Alors, poésie lyrique, ou noire, chant joyeux ou désespéré, disons que toute la suite de la carrière de Maradona, qui rejoint Barcelone et l’Europe dès 1982, va désormais osciller comme un tango entre la gloire et la déchéance.
La carrière européenne de Diego Maradona
Humilié, vexé, en larmes, après avoir été exclu au tout dernier moment de la sélection argentine vainqueur de la Coupe du monde en 1978, Maradona est bien présent au Mondial espagnol de 1982, et signe au FC Barcelone du président Nûnez. Montant du transfert : 900 millions de pesetas, soit plus de 5,4 millions d’euros ! L’épisode catalan est la première tache sur la toile de l’artiste victime de nombreuses agressions sur le terrain, affaibli par une hépatite, Diego Maradona, dont les excès hors des terrains sont montés en épingle par les dirigeants catalans, claque la porte et, deux ans plus tard, rejoint Naples.
C’est le peuple qu’il retrouve, ce petit peuple napolitain à qui Diego Maradona après un transfert d’un montant de 16 milliards de lires va enfin permettre de regarder en face le nord industriel et riche de la péninsule. Maradona débarque en hélicoptère, un soir du mois de juillet 1984. Il s’installe sur les hauteurs de Naples, «Villa Paradiso», avec Claudia sa compagne, et fait route désormais vers la gloire de San Paolo, le stade napolitain, planté au pied des cités populaires. Un jour, sans doute, les historiens du ballon diront que ce furent les « années Maradona », comme il y eut auparavant les «années Platini» à la Juve.
Avec son copain Careca, Maradona se régale, dispute 159 matchs et inscrit 115 buts. Surtout, il offre à Naples, dès 1986, le premier «scu- detto» de son histoire, puis un deuxième titre deux ans plus tard, et une Coupe de l’UEFA en 1989. Le joueur est au sommet. Au Mexique, sous la direction du sélectionneur Billardo, Maradona remporte sa première Coupe du monde. Serait-ce faire injure à ses camarades de jeu que furent Valdano ou Burruchaga que d’affirmer, en effet, qu’à lui tout seul l’enfant de Villa Fiorito offrait la Coupe du monde à l’Argentine ? Certes, il y a la «main de Dieu» (un but marqué de la main non sanctionné par l’arbitre), qu contribue largement à l’élimination de l’Angleterre. Mais il y a aussi ce que le monde entier a vu : un homme seul, pied gauche dans l’espace, 165 cm en mouvement, qui dribble toute une équipe avant d’aller marquer un but décisif. De cela, d’un tel geste qui s’apparente au rêve réalisé, Valdano dira : « Ce but a fait de nous, ses coéquipiers, de modestes footballeurs…» La saison 1986 constitue donc tout à la fois le sommet et l’amorce du divorce de Maradona avec le milieu du football et, en premier lieu, avec ses dirigeants.
Le déclin de Maradona
On peut deviner un tel scénario dans ce que dit Diego Maradona le soir de son triomphe mexicain : «J’ai le souvenir d’une joie très intense, mais peut-être pas aussi forte que je l’aurais pensé. J’ai rarement été aussi heureux que durant le mois qu’a duré la Coupe du monde, et quand le succès est arrivé, il m’a paru presque naturel.» Plus jamais le numéro 10 ne connaîtra un tel bonheur avec la Coupe du monde. Quatre ans plus tard, en Italie, sifflé, Maradona craque en mondovision, quelques instants après sa finale ratée contre l’Allemagne. Le Stadio Olimpico le siffle et il pleure. Enfin en 1994, aux États- Unis, il est suspendu au terme d’un contrôle antidopage. On a trouvé dans ses urines de l’éphédrine, une substance interdite. Le coup est rude pour Diego Maradona, dont la vie, depuis 1991 où il effectue même un court séjour en prison, balance désormais entre la cocaïne, les amitiés avec la Camorra (la Mafia napolitaine), les kilos superflus, et les nuits d’alcool dans les boîtes de nuit de Naples ou de Buenos Aires. Suspendu pendant quinze mois, le joueur retrouve la sélection argentine. L’exploit est d’abord physique. Maradona perd 15 kg, et marque un but d’anthologie contre la Grèce, dès le premier tour du Mondial. La suite est dramatique. Au terme du contrôle, Maradona est de nouveau suspendu 15 mois.
Maradona et la drogue
Cette fois, le football s’éloigne pour de bon. Mais à la télévision argentine Diego dira : «Je n’avais pas besoin de me doper pour jouer. Ils [les dirigeants de la FIFA] s’attendaient à trouver un Diego gros et ridicule. La FIFA ne s’est pas soucié de moi ni de ma famille. Ils m’ont mis quinze mois en sachant que j’ai trente- trois ans. Bien joué. » La suite ressemble à du Maradona. Un temps entraîneur, puis retour à Boca Juniors, source de tous ses bonheurs, Diego Maradona devient aussi le président de l’éphémère AIFP (Association internationale des footballeurs professionnels), mise sur orbite par le journaliste Didier Roustan avec la bénédiction d’Eric Cantona. Son éventuel retour au sein de la sélection argentine est évoqué pour la Coupe du monde 1998. Las, un nouveau contrôle révèle la présence de cocaïne dans ses urines. Au lendemain de la Coupe du monde américaine, Diego Maradona avait déclaré : « Oui, il faut réfléchir à ses erreurs. Il faut y penser pour ne pas les répéter. L’être humain s’améliore, paraît-il, avec ses erreurs. Ce qui est grave, c’est de les répéter plusieurs fois. Si tu fais ça, tu es un imbécile…» Après avoir frôlé la mort en 2000, il suit avec succès une cure de désintoxication et d’amaigrissement (pose d’une ceinture gasrique) à Cuba. Frôlant la mort en 2004 à la suite d’un accident cardiaque, il devient en 2005 une star de la télévision argentine et, en 2006, le premier supporter de la sélection argentine en Allemagne. Un supporter déçu par une élimination cruelle aux tirs aux but contre le pays organisateur en quart de finale.