Les images du président Abdelaziz Bouteflika, incapable physiquement d’assumer ses fonctions font régulièrement la une de la presse, et font de l’Algérie la risée du monde. Cependant ce n’est pas tant l’affaiblissement général de ses aptitudes qui pose souci, mais la manière dont il a été l’acteur et l’initiateur d’un système qui a permis le pillage organisé des immenses ressources de l’Algérie au profit d’une caste, dont les ficelles sont tirées par le frère même du président, Saïd Bouteflika.
Vingt et une années séparent les deux frères Bouteflika, Abdelaziz est né en 1937 et Saïd en 1958, tous les deux à Oujda, au Maroc, avant l’indépendance de l’Algérie. La manière dont les deux frères vampirisent le pouvoir et l’argent fait dire à de nombreux observateurs qu’ils sont devenus les nouveaux colons de l’Algérie.
L’immense influence du Saïd sur son aînée lui a valu de nombreux surnoms, tel que “le vizir”, “le vice-président”, voire “le président bis”. Il possède le titre étrangement flou de “conseiller spécial” ce qui signifie concrètement qu’il décide de tout en étant responsable de rien, tout en s’assurant de gonfler au maximum son pouvoir, son compte banque et celui de toute une caste dont il sert les intérêts en même temps que les siens.
Saïd Bouteflika a construit un réseau dont les fondations sont un complexe système de corruption et de pots-de-vin. Si son grand frère Abdelaziz avait déjà entamé ce processus de concentration des pouvoirs et des richesses entre les mains de quelques privilégiés, il s’agit bel et bien du cadet des Bouteflika qui a perfectionné la mécanique criminelle dont le peuple algérien est la victime, en s’appuyant sur la maladie de son frère.
Le duo familial à la tête de l’Algérie est dénoncé depuis de nombreuses années. Ainsi en 2008, l’ancien ambassadeur de France en poste à Alger, Bernard Bajolet, avait affirmé à son homologue américain, Robert Ford, dans un échange ayant fuité via Wikileaks que “la corruption, qui remonte jusqu’aux frères de Bouteflika, a atteint un nouveau sommet et interfère dans le développement économique”.
Saïd Bouteflika a pris soin de cadenasser les arcanes du pouvoir en arrosant généreusement ceux qui pourraient remettre en cause l’organisation mafieuse du régime algérien. Et ils sont nombreux dans l’entourage du pouvoir à y trouver un avantage sonnant et trébuchant par la création d’un réseau de clientélisme et de corruption, dans lequel les privilèges et les enveloppes sont distribués à tous les étages de l’état, y compris dans l’armée qui est maintenue sous contrôle de cette manière. Ainsi dans les informations provenant de Wikileaks, M. Ford rappelle que les opérations anticorruptions lancées en Algérie n’ont jamais inquiété les militaires de haut rang, ni qui que ce soit dans les sphères les plus élevés du pouvoir. Quelques fusibles, comme l’ancien ministre de l’Énergie, Chakib Khelil, qui sera poussé à la démission en 2010 dans le scandale de la Sonotrach, et dont le dirigeant, Mohamed Meziane, sera condamné pour corruption à une petite année de prison.
Les scandales entourant Saïd Bouteflika s’accumulent depuis des années, de l’orchestration minutieuse du silence autour de l’état de santé de son frère, en passant par la découverte par la presse de sa signature sur des décrets présidentiels, en lieu et place de celle de son frère.
La population algérienne, étouffée par une situation socio-économique résultant de la gabegie planifiée par Saïd Bouteflika ne voit en lui qu’un vautour gravitant autour du cadavre de son frère dont l’état de santé ne lui permet plus de prendre de vraies décisions. Abdelaziz Bouteflika, initiateur d’un système corrompu, se trouve lui-même manipulé par plus corrupteur que lui.
Les Algériens désespèrent à l’idée que le cadet prenne un jour effectivement le pouvoir au moment de l’annonce officielle de la mort d’Abdelaziz.